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sabÿn

Seror Hayayim (Le sachet des vivants)

matériaux & substances maraboutés, 2012

Seror hayayim, le sachet des vivants : l’entre est l’antre

     Du corps m’importe la châsse de chair, son enveloppe charnelle. Extravasant mon corps en corps de l’œuvre – c’est du moins l’une de mes fictions – je ne peux négliger la prégnance du contenant, actif, et seulement envisager le contenu. Selon la psychanalyste Martine Pagan  : « Seror hayayim,  en hébreu, expression énigmatique traduite par " le sachet des vivants ", n’apparaît qu’une seule fois dans la Bible, en I. Samuel 25,29 : " Si un homme se lève pour te poursuivre et attenter à ta vie, que ton âme soit enfermée dans le sachet des vivants auprès de Yavhé, ton Dieu, tandis que l’âme de tes ennemis, il la lancera à l’aide du creux de la fronde. " Le sachet semble bien désigner ici le lieu où le principe de vie est conservé. [...]. Cette métaphore du sachet, corps protecteur de la psyché, nous semble une belle et poétique intuition de la fonction différente de conteneur passif ou de contenant actif que les énergies psychiques permettent à l’enveloppe corporelle de remplir.» (1)

Cette notion que le sacré transborde précise ce qui anime ma geste. Il est ici question de présences invoquées dans l’indistinction, ou tout au moins dans l’enchevêtrement du noyau et de ce qui l’enveloppe, le nimbe : je peux alors, au fil du temps, renoncer aux châsses transparentes (boîtes en plexiglas, globes ou bocaux de verre). Ces tendres membranes que j’appose, parfois imperceptibles (paraffine, vernis, sang de lune, encaustique...) transfigurent les surfaces, réaniment l’énergie, pellicules-flux, maraboutages. Ces reliques – fictions alors désassujéties de leurs châsses – peuvent éclore sans protection ostensible, libres de déployer leurs flux... jusqu’à laisser advenir l’enveloppe comme relique auratisée, autonome, « mue du dedans » bien que guenilles. L’ombre et les enchevêtrements filandreux maintiennent et brouillent à la fois leur lien avec d’étranges noyaux, breloques ou graines séminales. Démultiplication des reliques, tensions névralgiques entre l’enclore et le déclore, va-et-vient continu, rythmique. Contenus et contenants entrelacent leurs fibres, jusqu’à diluer leur statut. L’entre devient antre ; en ces interstices ou espacements œuvrés, se déploie un entrelacs de fictions embuées aux marges du visible. 

 

Note :

(1) Martin Pagan, « Psychisme et structures d’emboîtements », in De l’écrin au cercueil. Essai sur les contenants au Moyen Âge, sous la direction de Danièle James-Raoul & Claude Thomasset, Paris, P.U.P.S, 2007, p. 246. 

crédit photographique : © Bénédicte Deramaux

© sabÿn  soulard   /  plasticienne  & poète   /  2025  /  Tous droits réservés 

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